
Boubacar, vous êtes né il y 24 ans à Bamako. Pouvez-vous nous narrer votre enfance au Mali ?
Boubacar Traoré : « J’ai eu une enfance très heureuse, car je viens d’une bonne famille. J’ai toujours bien été entouré et encadré par mes parents ainsi que mes six frères et sœurs. J’ai une très bonne relation avec ma maman, car je suis le plus jeune de ses enfants. Je crois qu’on s’appelle tous les jours et elle prie quotidiennement pour moi. Mon papa ? C’était aussi toute ma vie, c’était mon protecteur. Aujourd’hui, il est décédé. Malheureusement, il ne m’a pas vu passer professionnel. Il m’a toujours beaucoup conseillé, mais au début, il ne voulait vraiment pas que je joue au football… »
Comment êtes-vous parvenu à percer dans ce milieu sans l’accord de votre paternel ?
B.T. : « Pour être honnête, cela n’a pas été simple du tout. Il faut dire aussi que, pendant un moment, il n’était pas au courant que j’allais m’entraînais. Il voulait à tout prix que je me concentre sur mes études. De mon côté, j’accordais beaucoup plus d’importance au foot qu’à l’école. Souvent, quand je partais à l’école le matin, j’avais des affaires pour jouer au foot dans mon sac. Il m’arrivait de ne pas me présenter à l’école et d’aller directement taper dans le ballon. Ensuite, je me lavais pour pas que mon papa sache que j’avais manqué l’école pour aller jouer au foot, et je rentrais chez moi comme si de rien n’était. Tous les jours, j’effectuais plus de 20 kilomètres à pied pour faire le trajet, de mon domicile jusqu’à l’Académie de l’AS Bamako. »
Comment a-t-il fini par découvrir le subterfuge ?
B.T. : « Un soir avant d’aller au lit, il me demande de venir dans sa chambre. Je me rends rapidement compte qu’il est énervé et pas content de moi. J’apprends qu’il a été convoqué à l’école afin d’apporter des explications à mes absences. Nous avons fini par discuter et il a écouté mes arguments. Il n’était pas convaincu, mais il a terminé par accepter quand j’ai commencé à être appelé avec les équipes nationales jeunes du Mali. »
À force de persévérance, vous réussissez à intégrer l’une des meilleures académies du pays à l’AS Bamako. Comment cela s’est déroulé ?
B.T. : « J’ai un oncle qui a joué un grand rôle là-dedans. C’était le meilleur ami de mon papa et il s’est rapidement rendu compte que j’avais des capacités. Il habitait dans le même quartier que nous, et il travaillait à la fédération malienne. Il était au courant que je n’allais pas tous les jours à l’école pour rejoindre l’Académie. Il m’a également aidé à convaincre mon papa. »
Quels souvenirs gardez-vous de l’AS Bamako ?
B.T. : « À l’AS Bamako, cela n’a pas été toujours simple, mais si je me battais pour réussir, c’est aussi pour ma famille. Au début, nous jouions pieds nus. Ce n’était pas par manque de moyens, mais plutôt une technique de l’Académie pour progresser. Il nous arrivait d’affronter des équipes avec des joueurs dotés de crampons aux pieds. Parfois, je craignais d’aller au duel, et je ressortais souvent avec des bleus aux pieds. J’ai rapidement compris que je n’avais pas le choix et je pense que cela m’a beaucoup apporté. Aujourd’hui, cela se voit dans mon jeu, je n’ai pas peur d’aller au duel et de mettre le pied. »
Quand avez-vous pris conscience de vos qualités balle au pied ?
B.T. : « Je pense que c’est lorsque je suis appelé pour la première fois en Équipe Nationale U20. Je jouais encore à l’AS Bamako et il était très difficile pour moi d’intégrer l’équipe nationale. J’ai passé des tests, j’ai été sélectionné et je me suis dit que si j’étais là, c’était peut-être car j’avais du talent. Pour moi, c’était la chance de ma vie, je ne pouvais pas manquer cette occasion. »
Ensuite, tout s’enchaîne et vous intégrez rapidement l’équipe première du Mali. Quel a été votre sentiment à ce moment ?
B.T. : « J’étais l’homme le plus heureux quand Eric Chelle m’a appelé pour la première fois. On a joué face à l’Algérie et nous avions fait un bon match et réussi à accrocher notre adversaire. Ensuite, pendant quelques matches, je n’ai plus été convoqué. Je me suis dit que je n’avais pas le niveau et qu’il fallait que je redouble mes efforts pour réussir. Je me suis remis en question. Pourquoi ? Ce sont les valeurs que mes parents m’ont inculquées. Aujourd’hui, si j’en suis là, c’est grâce à eux. »
Depuis cet été, vous êtes de retour au FC Metz. Frédéric Arpinon a souligné plusieurs fois vos efforts financiers pour retrouver le club grenat. Pourquoi ces efforts ?
B.T. : « C’est simple, je pense que je dois beaucoup à Frédéric et au FC Metz. Je me souviens qu’il est venu me voir à Bamako plusieurs fois quand j’étais encore petit avec Philippe Gaillot (directeur sportif à l’époque quand Frédéric Arpinon était recruteur). Frédéric, c’est comme un oncle. Je lui dois beaucoup et je suis redevable envers lui. C’est comme ça avec tout le monde. Tu me donnes ? Je te donnerai en retour. Je sais que d’autres clubs me voulaient, mais je me sens très bien ici. C’est une fierté pour moi d’être là. Metz, c’est ma maison et j’ai besoin d’amour pour m’exprimer. »
Aujourd’hui, que diriez-vous au Boubacar Traoré qui est arrivé à Metz à 18 ans ?
B.T. : « Je lui dirais qu’il est toujours timide, mais qu’il a bien grandi. Je suis plus à l’aise aujourd’hui. À l’époque, je n’avais pas confiance en moi, je n’osais pas m’exprimer. Je pense que j’ai bien progressé, notamment en français. »
Bouba, pouvons-nous dire que vous êtes un faux timide ?
B.T. : (rires). Oui ! Je ne suis pas forcément discret dans la vie de tous les jours. J’aime beaucoup rire et chambrer mes coéquipiers. Quand j’apprécie une personne, je m’ouvre plus facilement. En revanche, je mets des barrières avec les gens que je ne connais pas. C’est une façon de me protéger. »
Pour finir, un mot sur l’obtention de votre trophée du Grenat du mois d’août ?
B.T. : « Pour être honnête, les trophées individuels ne m’intéressent pas beaucoup. Je préfère les trophées collectifs. En ce moment, nous vivons des moments difficiles et nous sommes concentrés pour réussir le terrain et obtenir un résultat positif tous ensemble. Dimanche, nous avons une rencontre importante où il faudra prendre des points. »